Centre de loisirs, Arconsat (63)

Film de présentation du centre de loisirs « La source » à Arconsat.

1er prix régional, valeurs d’exemples 2015, dans la catégorie espace public, construction publique et lieu de travail.

Crédit photos : Benoit Alazard

Lieu : 63250, Arconsat
Maître d’ouvrage : Communauté de communes de la Montagne Thiernoise
Maître d’oeuvre :
Atelier d'architecture Simon Teyssou et Boris Bouchet architecte,
CS2N (économiste)
FY (bet structure)
AES (bet fluides)
Surfaces: 900 m²
Calendrier : Réceptionné 2014
Coût des travaux : 1 590 000 € HT
Fiche projet : Arconsat, centre de loiris, la source

Centre de Loisirs, Arconsat

1er prix régional, valeurs d’exemples 2015, dans la catégorie construction publique et lieu de travail.

Accueil de loisirs, La source

Sur les crêtes Nord des monts du Forez, la communauté de communes de la montagne thiernoise a décidé d’organiser l’aménagement de son vaste territoire de moyenne montagne, autour de programmes structurants (maison de retraite, centre touristique, petite enfance). La répartition de ces équipements communautaires dans plusieurs communes différentes donne à chacune un rôle majeur à l’échelle des petits bourgs contre lesquels ils viennent s’adosser. Cet engagement en faveur d’une architecture contemporaine, ambitieuse, se traduit par des conditions de maitrise d’œuvre assez inhabituelles pour le territoire du Parc Livradois Forez et pour nos agences. En particulier, le budget (2000 euros HT/m2 de SU), presque spartiate pour un programme métropolitain, nous apparaît, à l’inverse, confortable pour un équipement de campagne. La philosophie de nos agences s’appuyant sur une architecture frugale, le sujet nous oblige à poser la question de manière différente, comment traduire l’ambition d’un maitre d’ouvrage sans faire une « architecture chic » dans un petit village du Livradois-Forez. Par ailleurs, à la suite de nos réalisations voisines, nous sommes appelés pour mettre en œuvre notre savoir-faire en matière de développement durable et d’utilisation de matériaux naturels, le bois en particulier. Enfin, le maitre d’ouvrage parle d’une architecture pour enfant, colorée, ludique, etc.

Nous choisissons de prendre le contrepied en construisant un bâtiment majoritairement en béton brut. Le sablage appliqué sur le béton laisse apparaître les petits cailloux de basalte noir provenant de la carrière du village voisin et confère à l’ensemble un caractère particulièrement rustique. C’est une réponse au paysage. En nous appuyant sur le caractère minéral, tellurique du béton sablé, nous explorons le thème de l’affleurement rocheux où la construction ne serait qu’une singularité naturelle du paysage, à l’inverse d’un bâtiment qui concurrencerait bêtement le village qu’il prolonge. Cette architecture ne sera pas un jouet Playskool, elle sera grise et beige, ce sont les dessins, les ballons, les vélos, les sorcières en papiers mâchés, les vêtements des enfants qui seront colorés. Nous cherchons à éviter « l’effet Sim City » du centre de loisirs multicolore, posé au milieu de ses aménagements extérieurs, entouré de clôtures et en rupture avec le caractère rural du paysage. Les fonctions extérieures demandées au programme, aire de jeux, préau, terrasse du restaurant, sont intégrées aux volumes construits pour laisser au premier plan, en contrebas le champ, vierge d’aménagement. Le projet, implanté à l’entrée basse du village joue le rôle de transition entre le grand paysage de la vallée et le village escarpé à l’arrière. Il s’agit là du véritable effort économique, Construit sur un terrain en forte pente, le choix de faire disparaître la distinction structure/infrastructure génère des surcoûts en soutènements et terrassements.

Le plan est constitué de quatre carrés de 15 mètres de coté, décalés entre eux et orientés par des angles ouverts sur le paysage de la vallée la Durolle. Chaque carré abrite une des grandes fonctions du programme (motricité, restauration, salle des grands, salles des petits) et se trouve percé par un des espaces extérieurs qui permet à la lumière de rentrer dans la forme épaisse du carré. La salle de motricité est marquée par une structure en béton composée de grandes poutres en S laissant en plafond de larges bandeaux vitrés et joue ainsi le rôle de l’espace extérieur du carré qu’elle occupe. Le parcours à l’intérieur est une alternance entre les grands panoramas ouverts sur la vallée et les vues intimes vers les petites cours et jardins intérieurs qui brouille l’opposition intérieur/extérieur.

A la manière du plan qui organise les décalages et les rotations et donne ainsi un caractère organique aux volumes, la coupe de chaque carré est une variation sur l’orientation des pentes de toiture formant une ligne de ciel composée qui répond à la ligne brisée du sol. Ces écarts permettent par ailleurs d’absorber de manière naturelle les différences de besoin de hauteurs sous plafond entre les différents programmes : salle de motricité, salles de vie, bureaux, etc.

Ensuite, à la manière de l’architecture vernaculaire du Livradois-Forez, le bois est utilisé en complément de chaque façade afin d’hybrider l’ordre général du béton. Les quatre volumes en béton se creusent pour laisser apparaître des menuiseries, filtres, panneaux de bois comme la chair d’un fruit dans lequel on aurait tranché. Le caractère du projet s’appuie sur l’opposition entre le dessin précis du bois et le caractère rustique du béton sablé. Comme les volumes décalés, les façades refusent la série, la répétition, il s’agit de la non-composition de Jacques Lucan. C’est un dessin qui parle d’une construction vernaculaire où l’on aurait adapté la forme à chaque usage particulier.

Depuis quelques années, le besoin de performance énergétique a conduit à renforcer l’opposition entre le caractère intérieur et extérieur des constructions. L’architecture devient un double habillage protégeant une couche d’isolation. Cette opposition n’a pas de sens dans un territoire rural où la matière de construction est historiquement brute, où le mur porteur, la maçonnerie fabriquent le décor des pièces, où l’habillage est toujours utilitaire, mobilier. Nous choisissons donc de brouiller cette distinction d’un programme où les enfants rentrent et sortent fréquemment. Tout en respectant l’objectif de performance énergétique du maitre d’ouvrage, par un principe d’optimisation des porteurs, nous parvenons à alterner isolation par l’intérieur et par l’extérieur sans pont thermique. Cette manière de dessiner nous permet de reporter le principe d’hybridation meuble en bois / béton sablé des façades extérieures dans les pièces de vie, la salle de motricité, les circulations, les bureaux, etc.

Il s’agit enfin d’un projet qui interroge le rapport entre architecture et design. Tous les meubles sont dessinés sur mesure et réalisés en bois, par des artisans locaux. Mais ce qui n’est pas exceptionnel pour le mobilier fixe tels que les placards, la banque d’accueil ou les bureaux, devient tout à fait singulier quand il s’agit des canapés, des poufs, des coussins, des tables, des chaises. Nous avons cherché à exclure au maximum les achats de produits industriels, le maitre d’ouvrage nous a soutenu dans cette démarche à la condition que le budget initialement prévu pour l’achat du mobilier ne soit globalement pas dépassé, pensant qu’il n’y a pas de sens à défendre des filières courtes dans un bâtiment public si elles sont de l’ordre de la commande exceptionnelle, trop chère.

A titre d’exemple, la centaine de chaises équipant le centre de loisirs ont fait l’objet d’un développement spécifique. S’appuyant sur les acteurs du territoire, nous avons dessiné et mis au point un principe hybride composé d’une structure en bois local, monté par le menuisier du village voisin d’un ensemble ergonomique, assise et dossier en carton, recyclé, produit et transformé par deux entrepreneurs de la commune.

Dans la même idée, de manière à rompre avec les canards en plastique sur ressort dont les vertus pédagogiques sont discutables, les jeux extérieurs pour enfants ont aussi été réalisés sur mesure. Un long travail de concertation avec les animateurs d’abord a permis de penser des jeux adaptés aux activités du centre, de mettre en œuvre à nouveau du bois local et surtout d’adapter la géométrie des cabanes, échelles et autres cuisines factices à celle du bâtiment pour tirer profit des espaces et rester discret dans le paysage. Les discussions pour la mise au point des jeux avec l’un des deux seuls bureaux de contrôle français habilité à travailler sur le sujet ont été longues et compliquées en particulier pour respecter l’ensemble des normes très contraignantes et surtout adaptées à la production industrielle en série.

Au final, il est évident que le rapport qualité/prix ne concurrence pas IKEA mais toute la valeur économique investie par la communauté de communes reste sur le territoire et valorise la main d’œuvre locale. Le caractère des espaces est singulier, il s’agit là d’une manière efficace d’expliquer aux enfants, aux animateurs, aux élus que l’architecture est contemporaine dans ses formes, inhabituelle pour eux mais qu’elle est locale dans sa conception et sa production.